OPINION. Les confinements entraînés par la pandémie du coronavirus ont modifié le regard des citoyens sur leur logement. Cette interrogation va faciliter la révolution urbaine en cours, notamment du logement et de l’organisation de l’espace, exigée par la transition énergétique. Par Jean-Michel Arnaud.
Quel sera le logement de demain ? Cette question intemporelle a pris une tournure décisive, après une série de confinements lors desquels il est devenu l’épicentre de nos vies, personnelles, professionnelles et, à regret pour beaucoup, sociales. Certains bouleversements furent temporaires, d’autres sont là pour rester, à commencer par le télétravail qui, à dose modérée, continue à trouver les faveurs de très nombreux salariés. Nos espaces domestiques doivent donc évoluer vers plus de flexibilité et de partage tout en conservant leur confort, qui reste au centre des attentes des habitants. Mais le logement, cœur de notre intimité et expression de l’individualité de chacun, est aussi porteur d’enjeux collectifs structurants, que l’on parle d’environnement, de transports ou de mixité sociale.
D’année en année, la taille des logements, comme celle des hauteurs de plafonds, ont été réduites pour répondre au manque d’espace dans les grandes villes et aux réglementations strictes des plans d’urbanisme. Si avant 2020, pour les citadins, le caractère exigu de l’habitat pouvait être accepté, prix à payer pour une vie riche sur le plan social et culturel, c’est moins le cas après de longs mois passés chez soi. Ce manque de place a parfois pris un caractère insupportable, en témoigne l’exode vers les villes moyennes et les campagnes. Ce repli, temporaire pour certains, sera durable pour d’autres, que ce soit pour l’acquisition d’une résidence principale ou d’une résidence secondaire. Les conséquences en termes d’aménagement du territoire et de flux pendulaires, si elles sont encore difficiles à mesurer, pourraient être profondes. Dans les grandes villes, les acteurs de la construction devront réfléchir à des manières de répondre à ce besoin croissant d’espace.
Près de 5 millions de « passoires thermiques »
L’autre urgence, brûlante, est celle du climat et de la transition énergétique. On le sait, la solution ne résidera pas seulement dans le remplacement des sources fossiles par des sources durables, mais aussi dans une forte baisse de la consommation d’énergie. Or, malgré des années de mobilisation et la multiplication des mécanismes d’incitation et d’accompagnement, on compte toujours près de 5 millions de « passoires thermiques » en France, un problème qui n’est pas seulement environnemental mais aussi social pour les ménages touchés par la précarité énergétique. L’interdiction progressive de la location des logements les plus énergivores, instaurée par la nouvelle loi climat, permettra peut-être d’accélérer le mouvement. Plus largement, le secteur s’interroge sur la manière dont son impact sur l’environnement peut être réduit. Le bois a le vent en poupe, matériau bas carbone qui offre une très bonne performance en matière d’isolation et provoque moins de nuisances sonores et de déchets sur les chantiers.
L’innovation ne s’arrête pas là. On parle de plus en plus du développement du logement connecté, et de ces technologies qui promettent de révolutionner la domotique et trouvent aussi de nombreuses applications dans le domaine de l’énergie. Les personnes âgées ou à mobilité réduite bénéficient particulièrement des systèmes qui leur permettent d’économiser leurs gestes et d’accroître leur sécurité : interrupteurs simplifiés, éclairage ou régulation automatique de la température, alarmes, détecteurs de gaz ou télécommandes d’alerte. Néanmoins, comme l’a montré l’affaire Linky, la généralisation de ces outils au sein du domicile ne va pas sans éveiller la méfiance. Il faudra quoi qu’il en soit veiller à faire le tri entre l’utile et l’accessoire, car ces technologies sont loin d’être neutres en carbone.
Les écoquartiers ou les écocités fleurissent
Au-delà, c’est à l’échelle de l’immeuble, de la résidence ou du quartier que le logement se réinvente. C’est le cas de ces étudiants qui choisissent la location chez l’habitant, la cohabitation intergénérationnelle ou la colocation à projets, pour des raisons financières ou pour acquérir des repères pour leur nouvelle vie. Les écoquartiers ou les écocités fleurissent, afin de promouvoir les réseaux locaux d’énergie, la biodiversité et les mobilités douces. Les collectivités tentent aussi de ne pas perdre de vue l’impératif de mixité sociale, de rencontre et de partage, pour que l’habitat ne soit pas que le lieu du soi ou de l’entre-soi.
Dans tous les cas, afin que le logement et la ville de demain répondent le mieux à leurs attentes, il est devenu essentiel de donner la parole aux habitants. Sur ce sujet comme sur tant d’autres, c’est la diversité qui s’impose, à rebours de décennies de construction qui, bien que fonctionnelles, apparaissent aujourd’hui comme trop standardisées et éloignées des enjeux les plus pressants du moment.