En briguant la présidence de l’Association des maires de France, David Lisnard compte faire fructifier les relations nouées en trente ans de vie politique à droite. Bien qu’éloigné des réseaux économiques parisiens, le maire de Cannes bénéficie de précieux relais d’influence pour imprimer sa marque « ordo-libérale ».
A 52 ans, très précisément l’âge de Nicolas Sarkozy lors de son entrée à l’Elysée, David Lisnard n’est plus un jeune, mais il est encore neuf. Le maire (Les Républicains) de Cannes (Alpes-Maritimes) a profité de la crise du Covid-19 pour gagner en notoriété grâce à la désinfection des plages au moyen d’un mélange d’eau de mer et d’eau oxygénée et à une tribune contre la « folie bureaucratique », publiée dans le Figaro, en novembre 2020. Une précédente focalisation médiatique avait auparavant accompagné son arrêté anti-burkini, en juillet 2016. En le choisissant comme dauphin, le président de l’Association des maires de France (AMF) François Baroin a inscrit l’édile azuréen dans la catégorie « étoile montante ».
Pour stimuler sa stratégie de conquête médiatique, David Lisnard peut compter sur le soutien amical et régulier d’Anne Méaux, présidente du cabinet d’influence Image 7. Si cette filloniste n’engage pas son agence, un de ses consultants, l’ancien journaliste Joseph Macé-Scaron a publié cet été « La Surprise du chef », un roman à clés destiné à faire « buzzer » le maire de Cannes, présenté comme le futur président de la République. Au catalogue des Editions de l’Observatoire, la maison fondée par Muriel Beyer, ce livre voisine d’ailleurs avec « La Culture nous sauvera », le premier essai de David Lisnard, co- signé avec Christophe Tardieu, un ex-directeur général adjoint du CNC.
LE CHOUCHOU DES JOURNAUX CLASSÉS À DROITE
Dans les médias, David Lisnard peut compter sur la bonne oreille de Léa Salamé, qui a lancé ses débuts sur i- Télé avant de le hisser dans un débat avec Jean Castex sur France 2, en septembre 2020. L’hebdomadaire Le Point, qui vient de le placer au centre de sa Une pour la rentrée politique de la droite, ainsi que Le Figaro, L’Opinion et Paris-Match, relayent chaque sortie de cet ambitieux accessible aux journalistes, aguerri depuis 2010 aux réseaux sociaux et aux formats vidéo courts. Ne laissant rien au hasard, il s’appuie aussi sur l’influenceuse Françoise Desruol, qui relaye la multiplication de comptes Twitter locaux « avec David Lisnard », dans la perspective de la primaire de la droite.
Egalement à ses côtés à Cannes, le conseiller municipal délégué à la culture Jean-Michel Arnaud est le vice- président de Publicis consultants, qui conseille par exemple le Conseil national des centres commerciaux dans sa bataille contre Amazon. Dernier signe de la méthode Lisnard : en 2018, sa ville a débloqué un budget de plus de 50 000 euros pour assurer sa présence auprès des institutions européennes, via le cabinet de lobbying Arcturus group.
LE FESTIVAL DE CANNES NOURRIT SON CARNET D’ADRESSES
Elu de la plus célèbre commune de la Côte d’Azur, David Lisnard a tissé un réseau sans quitter son bureau. Avec environ 2 000 anneaux guignés par les propriétaires de yachts, les quatre ports communaux sont un des multiples atouts d’un édile qui conjugue proximité avec ses administrés et relations publiques. Son directeur de cabinet, l’administrateur Thierry Migoule, et son directeur de la police municipale Yves Daros, sont ainsi chargés d’actions d’éclat sur la sécurité et la propreté. Sa conseillère Sophie Mouysset, plus politique, gère son agenda et répond aux demandes des « people ».
Président du Palais des festivals et des congrès pendant treize ans, avant d’être élu maire, David Lisnard a veillé à s’afficher, côté cour, avec Monica Bellucci et Sharon Stone, et, côté jardin, a se placer dans les petits papiers de Pierre Lescure, ancien patron de Canal+ et président du festival de Cannes. Chaque édition de l’événement, en mai, lui permet d’ajouter des contacts utiles à son carnet d’adresses. En 2018, il a pu solliciter quelques personnalités du monde de l’audiovisuel, quand son projet Canneséries, un festival consacré aux séries, mené avec l’ex-ministre de la Culture Fleur Pellerin, a connu des ratés. Le soutien in extremis de Canal+ et Vincent Bolloré est devenu nécessaire quand le CNC a préféré appuyer Série Mania, le festival de Lille, défendu par Martine Aubry et Xavier Bertrand.
A L’AISE DANS LE MONDE DES CASINOS
Ville de tourisme, Cannes fait aussi de son maire un interlocuteur et un relais d’influence de l’hôtellerie. Depuis qu’il a aidé le Groupe Partouche, en 2002, en débloquant une autorisation du ministre de l’intérieur, l’édile fréquente également le monde des jeux. En cours d’examen, l’attribution pour une période de douze ans, de l’autorisation des casinos Les Princes et Croisette mobilise notamment le Groupe Barrière et la SNC Jesta Fontainebleau, propriétaire de l’hôtel Marriott. Afin de pimenter la partie, la ville de Cannes s’est mise en situation de gérer elle-même l’un des casinos, à travers la société d’économie mixte Semec, l’opérateur du Palais des festivals.
Dans le monde de l’immobilier, en revanche, les connexions de David Lisnard sont celles d’un élu local, malgré l’organisation annuelle du grand salon Mipim (Marché international des professionnels de l’immobilier).
LE CAC 40 NE LE CALCULE PAS ENCORE
David Lisnard n’est pas encore dans les radars des très grands patrons. C’est en tant qu’élu local qu’il a été invité à l’une des tables rondes de l’université du Medef, cet été. Sur le CV de son unique relais déclaré dans le monde économique, Viviane Chaine-Ribeiro affiche une modeste coprésidence de la commission « Europe et international » de l’organisation patronale. Anny Courtade, la pétulante et richissime figure des centres commerciaux E.Leclerc, limite son soutien à la commune, dont elle possède le club de football, l’AS Cannes.
Toutefois, la fonction de maire de la ville permet à David Lisnard de recevoir dans son bureau ou à sa table des noms illustres, tels que Stéphane Richard, Jean-Laurent Bonnafé ou Yannick Bolloré, respectivement les patrons d’Orange, BNP-Paribas et Havas. Proche d’aucun, près de tous : l’ambitieux se contente pour l’instant d’être photographié en compagnie des puissants et d’afficher son respect pour Sophie de Menthon, qui l’invitera le 5 octobre à un déjeuner-débat de son mouvement Ethic, sur le thème « comment réformer l’Etat profond ».
UNE MICRO-ÉQUIPE POUR SON MICRO-PARTI
Pour le lancement parisien de son micro-parti, Nouvelle énergie, en juin dernier à l’hôtel Molitor, David Lisnard n’était pas entouré de grandes figures avec lesquelles il échange, tels que l’économiste Nicolas Bouzou, Luc Ferry ou Mathieu Bock-Coté. Ses cadres, moins célèbres, sont Frédéric Bizard, un professeur d’économie à l’ESCP spécialiste de la santé, Victor Fouquet, chargé de mission « fiscalité » au Sénat, l’institutrice chroniqueuse sur RTL Lisa Kamen et Annie Lhéritier, corrézienne retraitée à Cannes après avoir été cheffe de cabinet de Jacques Chirac à l’Elysée.
En coulisses, l’ex-directeur de la DGSE Pierre Brochand, frère de l’ancien député-maire de Cannes Bernard Brochand, soufflerait quelques conseils. Cette escouade a néanmoins suffi à David Lisnard pour décliner récemment un programme présidentiel pour lequel il reprend l’étiquette « ordo-libéral ».
Voir l’article original : La Lettre A – édition du 10/09/2021