Prisonnière des joutes politiques et de parti pris idéologiques, la sécurité peine trop souvent à être traitée avec le recul nécessaire. Le constat n’est pas nouveau, mais la discussion est rendue d’autant plus complexe que ce sont l’action et la légitimité de l’institution policière qui sont aujourd’hui remises en cause.
Que la sécurité s’impose comme un thème central du débat pré-électoral n’a rien de surprenant. La réalité est que les chiffres de la délinquance et de la criminalité sont remarquablement stables, mais que l’insécurité « ressentie » s’étend. Le « sentiment » d’insécurité gagne du terrain. Celui-ci se nourrit d’une myriade de micro-comportements, d’incivilités peu souvent pénalisées mais qui minent le quotidien. Pour les traiter, mobiliser l’appareil sécuritaire et judiciaire ne peut pas être la seule réponse.
L’action des pouvoirs publics est rendue d’autant plus difficile que ceux qui sont chargés de la mettre en œuvre voient leur légitimité et leur travail de plus en plus contestés. Les forces de l’ordre sont touchées de plein fouet par les accusations de violence et de racisme, phénomènes systémiques pour les uns, sommes d’actes isolés pour les autres. Aucun acte de ce type ne saurait évidemment rester impuni, au risque de creuser un peu plus le fossé existant entre la police et la population.
Dire cela ne doit pas conduire à jeter l’opprobre sur toute une profession, d’autant qu’elle est loin d’être récompensée par une considération à la hauteur de son dévouement. Un profond mal-être s’est emparé des forces de l’ordre, illustré de la plus dramatique des manières par la vague de suicides qui les touche. Sans une amélioration de l’ordinaire policier, il est illusoire d’espérer régler les problèmes d’insécurité du pays. Cela passera notamment par une profonde réflexion sur l’utilité de certaines missions qui leur sont confiées, à commencer par la répression de la consommation de cannabis, coûteuse en hommes et en moyens mais relativement inefficace du point de vue de la santé publique.
Le dernier enjeu, central, est celui de l’ancrage territorial de la sécurité intérieure. C’est par lui que l’action des forces de l’ordre peut gagner en efficacité, en visibilité, et que la confiance avec la population peut être restaurée. De nombreux chantiers sont à mener pour améliorer la coordination et le dialogue entre les différents acteurs : polices nationale et municipale, gendarmerie, magistrats et élus locaux.