La culture est durement frappée par la crise sanitaire. Fermetures, annulations, jauges réduites : le monde du spectacle est parmi les plus touchés, avec une perte de chiffre d’affaires estimée à 72 % en 2020, soit 4,2 milliards d’euros. Conscient du danger qui guette un secteur déjà fragile, l’État est venu apporter un soutien bienvenu. Aux deux milliards d’euros d’aides directes viennent s’ajouter trois milliards provenant des dispositifs généraux de soutien à l’économie (activité partielle, exonérations de charges, etc.). Mais le temps ne serait-il pas venu, à l’aune de cette crise, de réfléchir à une autre politique culturelle ?
La culture, dont la valeur va bien au-delà de son caractère marchand, n’est pas un secteur comme les autres. Il est marqué par de profondes inégalités, avec un petit groupe d’acteurs captant la majeure partie de la valeur. La puissance publique a un rôle primordial à jouer pour sauvegarder la diversité de l’offre et permettre l’accès du plus grand nombre à la culture. Mais il existe toujours le risque de se mêler de choix esthétiques ou éditoriaux, dont la teneur politique n’est jamais loin.
Malheureusement, le soutien des pouvoirs publics semble souvent renforcer ces travers plutôt que les corriger. L’argent public bénéficie d’abord aux opérateurs et évènements culturels emblématiques, au détriment de certaines formes d’expression artistique et de plus petits acteurs. Les collectivités, quant à elles, privilégient parfois une logique concurrentielle d’attractivité et de développement de leur territoire qui vient renforcer les déséquilibres existants.
Il est essentiel de sortir de cette logique de silos pour renforcer plutôt les liens entre les différents acteurs et favoriser les projets transversaux. La mutualisation doit être promue, que ce soit sous la forme de groupements d’employeurs, de coopératives ou de lieux culturels partagés. Du côté des financements, certains plaident pour une plus forte redistribution des résultats du secteur, qui reste pour le moment assez modeste. Dans ce dialogue entre l’État et les professionnels, le public est encore trop souvent négligé, alors même que tant de personnes restent éloignées de l’offre culturelle et que les inégalités en la matière demeurent profondes. Rapprocher tous les citoyens de la culture, quels que soient leurs goûts et leurs milieux, reste un défi majeur.