Existe-t-il des limites à la science ? À mesure que les connaissances et les techniques progressent, la question se pose de savoir si tout ce qui est scientifiquement possible est nécessairement désirable. C’est à cette interrogation que tentent de répondre en France les lois de bioéthique. Révisées tous les sept ans, elles seront sur les bancs du Parlement début 2019. La bioéthique française s’est construite autour de grands principes (dignité de la personne humaine, indisponibilité du corps…) qui fixent des limites intangibles au progrès scientifique. Certains jugent cette approche inefficace et militent pour plus de souplesse donnée au monde scientifique.
La prochaine loi va devoir trancher dans le vif certains débats houleux, à commencer par celui de l’ouverture à toutes les femmes de la procréation médicalement assistée (PMA). On passerait alors d’une réponse à l’infertilité pour des couples hétérosexuels à une demande sociétale au nom du droit de toutes les femmes à avoir un enfant. Est-ce le rôle de la médecine ? En elle-même, la PMA est pourtant moins controversée que la gestation pour autrui (GPA). De toute façon, le gouvernement ne semble pas disposé à faire évoluer la loi sur ce dernier point. Sur ces interrogations, la France doit faire face à des pressions qui illustrent bien la difficulté de réglementer ces questions à l’échelle nationale. Que valent l’interdiction de la GPA et la restriction de la PMA quand celles-ci peuvent être réalisées en dehors du territoire ? La fin de vie occupera également une place centrale dans les débats.
La loi Claeys-Leonetti, adoptée en 2016, permet une sédation profonde et continue pour les personnes en phase terminale, mais le suicide assisté reste quant à lui interdit. Les progrès de la génétique posent aussi de nombreuses questions. Certains redoutent l’arrivée d’un eugénisme affichant son refus de l’anomalie et de la différence. Plus largement s’ouvre la possibilité de « bébés à la carte », ce que propose l’entreprise danoise Cryos, qui peut envoyer par la poste un échantillon de sperme sélectionné dans un catalogue.
Permettre à la science d’avancer sans remettre en cause les principes qui fondent notre humanité commune, telle est la difficile tâche de cette révision des lois de bioéthique. Ce chantier marquera sans aucun doute le quinquennat d’Emmanuel Macron. Reste à savoir si le Président, accusé par certains d’avoir négligé son aile progressiste, se saisira de l’occasion pour satisfaire de nouvelles demandes sociétales ou préférera le statu quo.