L’État et les collectivités ont la charge de plus de la moitié des 44 030 monuments historiques existants. Derrière les locomotives que peuvent être le patrimoine parisien ou les châteaux de la Loire, ce sont des dizaines de milliers de bâtiments moins fréquentés, peu ou pas rentables, qu’il s’agit de préserver, avec au total une addition corsée : plus de dix milliards d’euros pour assurer leur entretien et leur restauration, selon un rapport parlementaire de 2007. Parce que ce patrimoine présente une dimension historique et mémorielle, à laquelle les Français sont particulièrement attachés, l’équation ne peut évidemment se limiter à celle de leur rentabilité.
Le gouvernement s’est d’ores et déjà engagé en augmentant les crédits alloués à la préservation du patrimoine à un niveau jamais atteint depuis dix ans. Mais, cet effort, louable et nécessaire, ne peut suffire à couvrir l’ensemble des besoins. Les collectivités, auxquelles l’État est parfois tenté de céder certains biens, n’ont pas plus de marge de manœuvre en ces temps de disette budgétaire. Dans ces circonstances, les acteurs publics se résolvent à céder ses biens, voire à les détruire, espérant ainsi s’épargner le coût de leur entretien, et provoquant souvent l’émoi de la population. Plutôt que de chercher à s’en débarrasser, l’État devrait réfléchir à en tirer une source de revenus à même d’assurer leur pérennité. Pour beaucoup, cette valorisation est encore taboue.
En complément du financement public, doivent pouvoir s’ajouter des fonds privés. La création d’un tirage spécial du Loto et d’un jeu de grattage dont les recettes iraient à un fond spécifique destiné au financement du patrimoine est en cours. Il est de même envisageable de confier la gestion des monuments au secteur privé, ce qui permet aux pouvoirs publics de se défaire des coûts d’entretien et de restauration, tout en restant propriétaire des lieux et donc le gardien d’une utilisation conforme à leur statut. Charge au locataire de faire fructifier son investissement. De nombreux régimes juridiques existent, comme le bail emphytéotique administratif qui permet de confier la jouissance du bien à un bailleur privé pour une durée allant jusqu’à quatre-vingt-dix-neuf ans. Le château royal de Villers-Cotterêts, propriété de l’État, pourrait être le premier concerné, avec un appel à projet lancé dès l’année prochaine.
Il n’y a pas de solution miracle, mais de nombreuses pistes à explorer. Garder au maximum la propriété des lieux pour s’assurer de leur accès à tous, tout en permettant, dès que possible, d’y proposer des activités créatrices de revenus : voilà la philosophie qui doit guider l’État pour préserver les trésors de notre patrimoine.