Depuis la Libération, l’agriculture française a relevé les défis de l’intensification de la production, de l’ouverture internationale, de la productivité, puis des réformes de la PAC. Malgré leurs efforts, de nombreux agriculteurs vivent au-dessous du seuil de pauvreté. Le XXIe siècle marquera-t-il la « fin des paysans », comme le prophétisait le sociologue Henri Mendras en 1967, ou au contraire l’aube d’une nouvelle ère ?
En cinquante ans, le nombre d’agriculteurs est passé de 6,3 millions, soit 25% de la population active, à 465 000. Un tiers des exploitants perçoivent un revenu mensuel inférieur à 350 euros. Pour les spécialistes, la crise agricole est une crise de marché, qui s’explique par un déséquilibre entre l’offre et la demande, la fermeture de marchés à l’exportation, et une baisse des consommations de viande et de lait. S’y ajoutent des facteurs plus spécifiques à la France, comme des coûts fixes variables, des charges sociales plus élevées qu’ailleurs en Europe et une inflation normative. Les agriculteurs français seraient les victimes d’un double dumping, social et écologique. Plus récemment, des crises conjoncturelles – grippe aviaire, mauvaises récoltes céréalières – ont ébranlé un édifice déjà fragile.
Comment enrayer cette spirale ? Plusieurs priorités se dessinent : mettre fin au dogme des prix bas, engager un « choc de simplification », renforcer l’harmonisation des règles sociales européennes, garantir la « vérité des prix » et la transparence, adapter la production aux attentes des consommateurs. La France compte ainsi aujourd’hui 1 million d’hectares bio, soit 6% de sa surface agricole, contre 2% en 2007. Les modes de production et de distribution alternatifs se développent : coopératives d’utilisation de matériel agricole (cuma), associations pour le maintien d’une agriculture paysanne (amap), ateliers de transformation collectifs (ATC)… Les pôles de compétitivité et le numérique donnent naissance à une agriculture de précision, économe en ressources, tandis que des activités comme l’agrotourisme et la production d’énergie (solaire, biomasse) offrent aux agriculteurs des revenus complémentaires.
La survie de l’agriculture ne suppose pas la fin d’un mode de culture, mais la coexistence « pacifique » d’une variété de pratiques.