Publié le 03/05/17
Tout ça pour ça ? Quatre millions d’électeurs à la primaire, des projets concurrents de qualité, la victoire franche d’un candidat sur le fondement de valeurs peu consensuelles, mais claires, des sondages flatteurs et puis, patatras. Trois mois après, la droite se trouve dans le même état qu’en 2012, l’affaire Bygmalion en plus.
La nécessité de préparer les élections législatives a eu le mérite de retarder la désignation des coupables. Dieu sait s’ils sont nombreux. Le premier d’entre eux – cela n’étonnera personne- est François Fillon. Son crime ? De ne pas avoir assez rassemblé sa famille politique après sa désignation. D’avoir laissé bon nombre d’incompétents s’embourber dès le mois de décembre dans le service après-vente de son programme. D’avoir fait preuve d’une inimaginable légèreté en n’anticipant pas les « boules puantes » dont il s’est plaint par la suite. D’avoir considéré que les affaires n’intéressaient pas les Français. D’avoir fait puis renié la promesse de ne pas se présenter en cas de mise en examen. D’avoir multiplié les déclarations hasardeuses – « je ne suis pas autiste »- et les accusations fantaisistes – le « cabinet noir « .
En l’absence de plan B…
Qu’il se rassure, il n’est pas le seul. Au deuxième rang des accusés figurent les présidents ou anciens présidents de la République, de l’Assemblée nationale, du Sénat, anciens premiers ministres. Des « sages » tellement sages qu’ils ont été incapables de remiser leurs vieilles rancœurs pour faire front derrière leur candidat ébranlé, ou pour s’accorder sur un « plan B ». À cet égard, l’avenir dira si Alain Juppé a agi par excès de respect pour le suffrage des militants ou par excès d’orgueil, mais une chose est sûre : un coup d’épaule (geste pourtant si chiraquien) aurait suffi à abattre un candidat K.O debout. Enfin, pas tout à fait. Acculé, celui-ci n’a rien trouvé de mieux que de se blottir dans la main de « Sens commun », dont les obsessions biologiques ont phagocyté les autres enjeux. Troisième niveau d’accusés : la plupart des membres de son équipe, vieux lions et jeunes loups qui ont soit déserté, soit préparé la suite, sans songer à autre chose qu’à eux-mêmes.
Entreprise de démolition
Où s’arrêtera l’entreprise de démolition ? Dès le soir du premier tour, deux tendances se sont affrontées : ceux qui, « la mort dans l’âme », ont appelé à voter pour le candidat d’En Marche! et les autres, partisans d’un « ni ni » aussi mortifère que nauséabond. Quelques jours après, une deuxième ligne de fracture est apparue. Elle oppose cette fois ceux qui se disent prêts à gouverner avec Emmanuel Macron et ceux qui préfèrent l’opposition. L’enjeu ? L’existence d’une alternative républicaine crédible à un futur ex-président social-démocrate. Sans frontières claires et visibles avec lui, le risque est grand de voir la droite se dissoudre dans un grand SPD à la Française et, pour son aile dure, dans un rassemblement nationaliste.
La stratégie chiraquienne du cordon sanitaire
Comment enrayer ce déclin ? La droite doit d’abord choisir avec force les « valeurs de la République », en appelant à voter pour le candidat d’En Marche!, quitte, comme le réclame certains, à exclure ceux qui regimbent. Des exclusions qui ne sont pas des pertes, mais des amputations de membres gangrenés qui, par leur inconscience, font courir un risque à l’ensemble du corps électoral de droite. C’est la fameuse stratégie du « cordon sanitaire » que Jacques Chirac avait naguère imposée avec honneur et succès à son camp. Non par angélisme, mais par pragmatisme. Qui s’assemble finit par se rassembler et se confondre.
Ensuite, la droite doit bâtir un projet d’alternance cohérent, qui reprend les forces de celui de François Fillon – des ruptures économiques réelles, de l’autorité, du pragmatisme dans le domaine international – tout en en corrigeant les faiblesses : assurances dans le domaine de la santé, mesures fortes en faveur des classes moyennes et laborieuses. Enfin, dès le lendemain des élections législatives, il lui faudra se choisir un leader qui, en plus de la diriger durant les 5 prochaines années, sera, sauf imprévu, son candidat aux prochaines élections présidentielles.
Si droite et gauche s’accordent sur un point aujourd’hui, c’est sur le mal que les primaires leur ont causé.