Publié le 19/04/2016
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Un vent de liberté souffle sur les routes de France depuis la loi du 6 août 2015, appelée « Loi Macron », qui a mis fin au monopole public sur le transport de voyageurs et ainsi libéralisé les lignes nationales de bus.
Comme souvent en France, cette mesure, destinée surtout à rattraper notre retard par rapport aux pays européens, a pris une dimension politique, voire idéologique. Source de création d’emplois et de valeur pour certains, cette réforme s’apparente pour d’autres à une révolution, qui ouvre la voie à une refonte de notre politique de mobilité.
Six mois après la libéralisation du marché, l’activité, qui part de zéro, connaît un démarrage rapide avec l’ouverture de 148 lignes et le transport d’environ 800 000 passagers au 31 décembre 2015. Cinq compagnies desservent 75 villes et 274 autocars, les fameux « bus Macron », assurent des liaisons quotidiennes. Des villes comme Clermont-Ferrand et Strasbourg sont devenues de véritables « hubs ». D’autant que dans certains cas, le bus est le seul moyen de gagner des destinations pas ou peu desservies par le train.
Un business en expansion
Grâce à des prix de lancement attractifs, ce mode de transport a séduit une clientèle qui se compose pour l’essentiel de jeunes, de familles et de séniors actifs. Chez Ouibus, filiale de la SNCF, 38 % des passagers ont moins de 35 ans. Faute de temps, les grandes compagnies ont noué des partenariats avec des professionnels locaux rémunérés soit au kilométrage, soit au pourcentage du chiffre d’affaires. D’autres PME ont choisi d’unir leurs efforts. La société française Starshipper regroupe une trentaine d’entreprises indépendantes et assure 235 liaisons, souvent secondaires.
De son côté, Iveco Bus, premier constructeur français, a vendu 350 véhicules supplémentaires en 2015 assemblés dans son usine d’Annonay. Un chantier demeure en friches : celui des gares routières. Sur les 186 points d’arrêts recensés en France, seul un tiers sont des gares. Des gares qui ne répondent pas toutes aux mêmes caractéristiques et dont le statut – gestion privée, gestion déléguée, régie – diffère.
TGV ou covoiturage : l’impact sur la concurrence
Chez BlaBlaCar, on est serein. Même si la clientèle est la même, le covoiturage se révèle plus pratique avec un départ toutes les cinq minutes, plus rapide en raison des différences de limitation de vitesse et plus flexible puisque le porte-à-porte est possible. En revanche, dans le transport ferroviaire, on est plus circonspect. D’autant que souvent, les compagnies d’autobus ont ouvert des lignes sur les axes les plus fréquentés, tout en ne supportant pas le même coût d’utilisation des infrastructures.
Si le TGV ne semble pas menacé en raison du gain de temps qu’il permet, les TER et les TET subissent les effets de cette nouvelle concurrence. En raison de l’état du réseau, le bus se révèle parfois plus rapide et moins cher que le train ! Une situation qui fait grincer des dents dans les Régions qui, de 2002 à 2013, ont investi 7,3 milliards d’euros dans le matériel roulant.
L’exemple allemand
Certes, la loi prévoit un mécanisme de protection. Ainsi, s’agissant de l’exploitation de lignes de moins de cent kilomètres, les autorités organisatrices de transport (AOT) peuvent saisir l’autorité de régulation des activités ferroviaires et routières (Arafer) pour en interdire ou en limiter l’exploitation si elles estiment qu’elle met en péril l’équilibre d’un contrat de service public.
À qui la faute ? Pour certains, la France paye son retard dans la modernisation du T.E.R, trop cher, trop lent, trop rigide. Ainsi, depuis 2002, son coût d’exploitation aurait augmenté de 87 % ! Et le coût du train-kilomètre aurait crû à un rythme 2,5 fois plus rapide que l’inflation. Des voix s’élèvent pour réclamer une ouverture, même partielle, de cette activité. Point de grands soirs ni de dérégulation massive. Juste un peu de concurrence pour faire baisser les prix qui, rappelons-le, sont 33 % supérieurs à ceux pratiqués en Allemagne.
Un pays dont la France pourrait s’inspirer dans la mesure où, dans le domaine des transports, celui-ci présente des caractéristiques similaires : nécessité de protéger un opérateur historique ; retards, voire mauvaise foi dans l’ouverture à la concurrence du secteur ; dispositif de sauvegarde des petites lignes. Mais comme en France, tout est politique, le « spectre de l’autocar » n’a pas fini de hanter les conservateurs de tout poil.
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