Publié le 24/02/2016
C’en est fini de la France aux 36.000 clochers. C’est officiel, depuis le 1er janvier 2016, le pays compte désormais 35.945 communes, une baisse qui résulte du regroupement de 1.013 communes et intercommunalités en 300 « communes nouvelles ». Entre 2013 et 2015, seules 25 de ces nouvelles entités avaient été créées. Cette petite révolution, passée un peu inaperçue entre l’installation des nouvelles régions et les tribulations de la Métropole du Grand Paris, est un mouvement de fond qui devrait se poursuivre dans les années qui viennent, inaugurant ainsi une nouvelle ère de l’organisation territoriale française.
La responsabilité financière des collectivités doit être renforcée
La tendance peut paraître surprenante, tant les différents dispositifs adoptés depuis la loi Marcellin de 1971 ont jusqu’ici échoué à réduire le nombre de communes, dans un pays où 27.000 d’entre elles comptent moins de 1.000 habitants. La bonne volonté n’ayant pas suffi, c’est au portefeuille que l’État a décidé de frapper : d’abord par la baisse globale des dotations aux collectivités entamée depuis bientôt deux ans, et surtout grâce à la réforme du statut de la commune nouvelle issue de la loi du 16 mars 2015, qui promet un gel de la baisse de ces dotations pour toutes les communes qui acceptent de fusionner en 2015 et en 2016.
Des économies dans les effectifs de fonctionnaires territoriaux?
Cette nouvelle dynamique marque le recul d’une curieuse exception française aux conséquences parfois ubuesques : souvenons-nous de ces centaines de villages ne trouvant pas de candidats aux dernières élections municipales. A titre de comparaison, la Suède compte seulement 290 communes sur un territoire à peine un tiers plus petit. Il faut maintenant espérer que ces fusions, en plus de simplifier l’organisation territoriale du pays, permettront de faire les économies nécessaires dans les effectifs parfois pléthoriques de la fonction publique territoriale, qui n’a pas été astreinte ces dernières décennies aux mêmes efforts que la fonction publique d’Etat.
Renforcer la responsabilité financière des collectivités
Au-delà de considérations purement comptables, ces fusions sont aussi l’occasion d’affermir encore un peu plus le processus de décentralisation en renforçant la responsabilité financière des collectivités territoriales, soubassement indispensable à toute véritable responsabilité politique. Il faut saluer le fait que la construction de ces communes nouvelles soit faite de manière volontaire et éclairée, entre des communes ayant une proximité géographique et une envie de construire l’avenir en commun, et pas décidée de manière planifiée depuis Paris.
Une assemblée délibérante unique pour les communes fusionnées
A l’inverse, certains s’inquiètent, et ce à juste titre, de l’impact négatif que de tels regroupements pourraient avoir dans un pays où la fracture territoriale se creuse. La réalité est que les forces en présence, urbanisation, numérisation et poids d’une économie mondialisée, dépassent de très loin le simple cadre de l’organisation territoriale. Il faudra donc être vigilant à la conservation des services publics de base dans les communes concernées, et veiller à ce que ces fusions ne débouchent pas sur un abandon par les pouvoirs publics d’une partie de la population, ce qui pourrait avoir de graves conséquences politiques mais avant tout sociales.
Néanmoins, cette mise en commun de population et de moyens devrait aussi permettre de renforcer l’attractivité de certains territoires en créant des synergies, et de redonner des marges de manœuvre à des communes incapables jusqu’alors de porter le moindre projet du fait de leur taille limitée. Comment construire ou rénover un équipement public lorsqu’on compte quelques dizaines habitants seulement ? Plutôt que regretter la fin d’une situation qui n’a jamais eu pour effet de freiner le lent déclin des campagnes françaises, il serait donc préférable d’en mesurer les conséquences positives et d’accompagner cette évolution par une politique ambitieuse en faveur de la ruralité.
S’agissant de l’impact politique d’une telle évolution, celle-ci aura nécessairement pour effet d’éloigner certains habitants du processus de décision. Malgré son caractère suranné, le maillage territorial extrêmement étroit du pays a pour avantage indéniable de favoriser la participation politique des citoyens. Il est pour l’instant prévu que les communes fusionnées gardent leurs conseils municipaux jusqu’en 2020, année des prochaines élections, ensuite remplacés par une assemblée délibérante unique. Pour remédier à cela, de nouveaux outils de démocratie locale pourraient être mobilisés pour assurer une représentation de chaque ancienne commune, par exemple sur le modèle des conseils de quartier en milieu urbain.