Souvent critiqués, objets de débats passionnés, les PPP verront leur cadre juridique renouvelé en avril 2016 à la faveur de la transposition des directives marchés publics. Pour Jean-Michel Arnaud, président du goupe Domaines Publics, cette réforme revêt une importance fondamentale pour le financement de grands travaux d’aménagement, l’Etat et les collectivités locales étant exsangues.
Il y a un peu plus de dix ans, l’ordonnance du 17 juin 2004 introduisait les contrats de partenariat, forme de partenariats public-privé ou PPP, en droit français. Derrière cet acronyme, se cache un outil dérogatoire à la commande publique qui revient à concentrer dans les mains d’un prestataire privé, les maîtrises d’ouvrage et d’œuvre d’un projet. Jusqu’à présent, le recours à ce procédé devait être justifié soit par l’urgence, soit par la complexité du projet, soit, depuis 2008, en raison de son efficience économique.
En un peu plus de dix ans, 206 contrats ont ainsi été signés, 150 par des collectivités, 56 par l’Etat et ses établissements publics. Ils ont permis de mener à bien des projets aussi divers que des bâtiments, des équipements sportifs et culturels, des unités de production d’énergie et de traitement des déchets, des infrastructures de transport ou des installations d’éclairage public. Après des années de croissance régulière, parfois vigoureuse comme en 2009, 2010 et 2011, les PPP ont connu un ralentissement à partir de 2012. En cause : la succession d’élections, la crise de la dette souveraine ainsi que la réduction des dotations de l’Etat aux collectivités locales. Une diminution qui risque d’ailleurs de s’amplifier à la suite des critiques liées au surcoût de ces contrats, à leurs conséquences architecturales en raison de l’assemblage architecte-constructeur et à leur utilisation pour des projets ne répondant pas aux critères fixés par la jurisprudence et la loi.
Des attaques nourries par l’absence de bilan qualitatif des projets menés en PPP
Les seuls travaux produits sur ce dispositif réalisés par les chambres régionales des comptes se limitent à une approche quantitative, sans méthodologie globale. Ainsi les documents qui pointent le « surcoût lié à la maintenance et à l’entretien » sont les mêmes qui, quelques lignes plus loin, reconnaissent la qualité de service rendu. Une qualité d’autant plus appréciable qu’elle permet à la collectivité de récupérer à terme un bien en parfait état, lui évitant de fait de coûteuses rénovations. S’agissant de « l’assemblage architecte-constructeur », rien n’indique qu’il soit préjudiciable à l’architecture. Les plus grands architectes, appelés à travailler sur des PPP français, en acceptent sans difficulté le principe.
Les rares études « qualitatives » dont nous disposons font ressortir une réalité plus nuancée. D’après une enquête Ifop menée en mars 2011 pour la revue « Cinquième pouvoir » auprès d’un échantillon de 201 élus de collectivités de plus de 10 000 habitants, 77% des édiles sondés déclarent avoir une « bonne opinion » des PPP. Parmi les atouts les mieux identifiés : le gain de temps et la possibilité de trouver des ressources financières complémentaires.
Une autre étude, réalisée cette fois en novembre 2012 par la « Chaire ePPP » de l’IAE Panthéon-Sorbonne sur 30 contrats en cours d’exploitation, donne des résultats comparables. Le respect des coûts est jugé « satisfaisant » à 90% ; celui des délais à 77% ; celui de la qualité à 67%.
A cet égard, dans son rapport annuel de février 2015, la Cour des comptes souligne certains avantages avérés des contrats de partenariat comme la « performance notamment énergétique et le respect des délais de construction », tout en reconnaissant que parfois, « les contrats de partenariat peuvent s’avérer, a posteriori, plus coûteux que les marchés classiques ». Malgré tout, les gouvernements successifs n’ont jamais remis en cause leur existence.
Un cadre juridique renouvelé par la réforme des marchés publics
Ceci ne les a pas empêchés d’en préciser le cadre pour tenir compte de la jurisprudence, tirer les conséquences de certaines critiques et de les adapter aux besoins de ses utilisateurs. C’est le but poursuivi par l’ordonnance du 23 juillet 2015 relative aux marchés publics qui entrera en vigueur au mois d’avril 2016. Grâce à l’introduction de nouvelles dispositions, elle pourrait marquer le début d’une sorte « d’âge de raison » des PPP.
Elle prévoit ainsi que le marché de partenariat constituera le cadre unique des PPP. Elle distingue les missions obligatoires de missions facultatives comme l’entretien ou la maintenance. Ainsi, les commanditaires pourront ne plus contractualiser pour ces prestations qui, à tort ou à raison, concentrent une partie des critiques. Supprimant les critères d’urgence et de complexité, l’ordonnance impose comme unique condition de lancement, un « bilan favorable ». L’évaluation préalable du mode de réalisation devra être soumise à la Mission d’appui aux partenariats public-privé (ou Mappp) dont les compétences évolueront. L’ordonnance définit enfin les modalités d’indemnisation en cas d’annulation, en y intégrant les frais financiers du co-contractant de l’administration dont le contrat est annulé.
Gageons que ces nouvelles règles, à la fois plus souples et plus précises, assorties d’études sérieuses, permettront de créer en France les conditions d’un débat serein sur les PPP. Il s’agit surtout de les voir tels qu’ils sont : un outil pragmatique, simple et efficace d’investissement public au service de l’aménagement de notre territoire.